Capacité technique et capacité



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Questions dans la Conception de Programmes
Collaborateur: La Banque Mondiale
L'auteur: Decentralization Thematic Team
Le contact: Jennie Litvack



Capacité technique et capacité administrative locales

Les administrations et les communautés locales peuvent-elles bien gérer leurs nouvelles responsabilités?

La tendance actuelle à la décentralisation à travers le monde a provoqué un débat animé sur la capacité des administrations et des communautés locales de gérer leurs nouvelles responsabilités (planification, financement...). A mesure que les administrations nationales cèdent des compétences, y compris des compétences en matière budgétaire, aux administrations et aux communautés locales, il devient important de faire une évaluation de la capacité de ces dernières afin de choisir des programmes appropriés de renforcement de apacité.

L’une des justifications de la décentralisation est que les administrations locales étant plus proches de leurs administrés, sont plus aptes, plus que les administrations nationales, (étant plus informés des préférences des gens de leurs communauté...), à gérer efficacement leurs ressources et qu’elles sont plus sensibles aux préférences de leurs administrés. Mais même si elles connaissent mieux les préférences de leurs communautés il n’est pas certain qu’elles aient la capacité de gérer leurs affaires avec plus d’efficience. Les administrations locales, petites et inexpérimentées n’ont pas forcément la capacité de maintenir des projets et elles peuvent ne pas avoir les effectifs avec la formation nécessaire pour gérer des budgets plus importants.

La présente note traite des deux aspects du débat sur la capacité locale. En premier qu’est-ce que la capacité locale? Deuxièmement, que faire une fois qu’on a fait l’évaluation de la capacité d’une collectivité? On entendra par administration locale le niveau de gouvernement où un degré de contact direct au quotidien entre citoyens/bénéficiaires et l’administration est possible.

Evaluer la capacité locale

D’ordinaire, les planificateurs de la décentralisation suivent le principe général que l’administration centrale doit s’occuper principalement de la création et du maintien de l’environnement qui permet la réalisation de la décentralisation et des stratégies globales, en laissant les pouvoirs locaux s’occuper de l’adaptation des mécanismes de prestations de services et des dépenses publiques aux besoins et aux circonstances locaux. En réalité toutefois, les degrés divers de capacité (la capacité des pouvoirs locaux ainsi que celle de la société civile/secteur privé) influent sur les décisions concernant le transfert de certaines responsabilités au niveau local. Dans la plupart des cas, la décentralisation des services de base ne veut pas dire que le niveau central cède toutes les tâches liées à ces services. Une évaluation de la capacité locale est une partie intégrante de la conception de la décentralisation.

Qu’est-ce que la capacité?

Il est parfois difficile de mesurer la capacité locale et le débat sur sa quantification est souvent motivé à la fois par des considérations politiques et techniques (Widner, 1994). Les administrations centrales se servent de l’excuse “manque de capacité” pour refuser le transfert de compétences, de ressources financières et des privilèges accompagnateurs aux entités locales. Par exemple, (Fisbahn, 1997) a trouvé qu’en Colombie “ce que les agences nationales caractérisaient comme mauvaise planification dans les municipios était un alibi pour un désaccord sur les priorités locales et nationales. De fait les municipios démontraient un niveau élevé de capacité en refusant des subventions conditionnelles (avec participation) et en empruntant des fonds sur le marché local, au taux de marché, afin de mettre en oeuvre leurs propres priorités.

Pour cette raison il est utile de présenter quelques questions qui sont pertnentes pour la mesure objective de la capacité locale. Le fait qu’il y ait une administration dirigeant les affaires d’une communauté est une indication d’un certain niveau de capacité. Le défi pour les agences de développement et leurs partenaires est d’identifier la capacité des administrations, sociétés civiles et secteurs privés des collectivités afin de l’intégrer dans les programmes de développement.

La première tâche est d’identifier le travail que les administrations locales et leurs citoyens auront à faire. Voilà quelques unes des composantes du travail de planification, d’exécution et de maintien des services de base :

  • l’analyse et la résolution des problèmes locaux
  • la détermination des besoins de la communauté
  • l’organisation du soutien politique local et national pour les programmes
  • la rédaction des spécifications des éléments techniques des programmes
  • la mobilisation de ressources nationales pour les programmes
  • la perception d’impôts et la collecte de tarifs
  • le maintien et l’exploitation continue de services
  • l’évaluation de l’impact des programmes sur l’environnement
  • l’indemnisation de ceux qui sont touchés par l’incidence négative des programmes
  • la sous-traitance de services et l’achat d’équipement

Uphoff soutien qu’il y a quatre fonctions fondamentales que les organisations doivent accomplir pour atteindre leurs objectifs.

Ces fonctions sont :

  • la prise de décision, planification et évaluation comprises
  • la mobilisation et la gestion de ressources
  • la communication et la coordination
  • la résolution des conflits

La question qui se pose alors est de savoir si les communautés locales et leurs administrations peuvent s’organiser pour accomplir ces fonctions afin de se procurer les services de base.

La deuxième tâche est de prendre des mesures appropriées et compréhensives pour renforcer la capacité des groupes locaux afin qu’ils puissent accomplir les fonctions requises. Il y a plusieurs questions dont il faut tenir compte dans l’évaluation de la capacité :

Rendement et résultats : Il y a tellement de cas de force majeure qui influent sur l’action gouvernementale (le climat...) que les résultats obtenus ne sont pas généralement d’indicateurs fiables de la qualité des services fournis par le gouvernement.

Niveaux divers de capacité. La capacité des administrations locales varie en fonction des tâches à accomplir et du secteur concerné. Ainsi l’une des tâches les plus importantes dans la planification de la décentralisation est l’identification des avantages comparatifs des administrations locales dans le domaine des tâches à accomplir.

Individus ou institutions. La capacité locale se mesure-t-elle par la présence des individus qui pourraient ou pas continuer à jouer un rôle dans le gouvernement ou plutôt par le fonctionnement de mécanismes institutionnalisés tels que traitements compétitifs, sous-traitances efficaces, procédures de formation, qui assurent une fourniture continue d’expertise technique et d’expertise en gestion?

Quand on évalue la capacité d’une communauté il est souhaitable de tenir compte de l’histoire, du dynamisme et de l’étendue des organisations qui composent la société civile, du nombre de sous-traitants et de talents dans la communauté (y a-t-il un nombre suffisant de sous-traitants ou y a-t-il seulement un qui pourrait s’en aller d’un jour à l’autre?).

Infrastructure administrative et technique

Le processus par lequel l’information est reçue, traitée et emmagasinée est à la base de la plupart des fonctions des administrations locales. L’existence d’une technologie appropriée ( banque de données, systèmes de fichiers...) est essentielle par exemple, pour la collecte d’impôts et la tarification de services.

Le rôle de la société civile

Les ONG peuvent être souvent la source d’un personnel bien formé et expérimenté, et les firmes de construction, de comptabilité, etc. peuvent fournir des services au cas par cas. Les relations de l’administration locale avec le secteur privé et sa capacité d’engager des sous-traitants de qualité est une partie importante de la capacité qu’on néglige souvent. Il est souhaitable en évaluant la capacité à long terme d’une communauté de tenir compte de l’histoire, du dynamisme et de l’étendue des organisations qui composent la société civile (y a-t-il un seul leader compétent dans la communauté ou est-ce qu’il y a plutôt un réseau de telles personnes?) et du nombre de sous-traitants et de la concentration de talents. Autrement dit, est-ce qu’il y a seulement un sous-traitant qui pourrait s’en aller d’un jour à l’autre ou est-ce qu’il y a plusieurs firmes capables de fournir de l’assistance technique à la communauté?

Décentraliser ou renforcer la capacité? Que faire d’abord?

Réponse : On fait les deux simultanément.

Traditionnellement, pour décentraliser on a d’abord renforcé la capacité locale avant de procéder au transfert des responsabilités et des revenus aux autorités locales. Les autorités centrales adoptaient cette méthode prudente parce qu’elles voulaient éviter les dépenses irresponsables et la corruption de la part des administrations locales ainsi que les inéquités régionales et l’effondrement des services ou tout simplement parce qu’elles ne voulaient pas céder des compétences à ces dernières. Certains auteurs tels que

Bahl et Linn pensent même que le manque de capacité locale, parmi d’autres facteurs, rend la décentralisation inefficace et même peu désirable dans les pays en développement.

Cette approche traditionnelle est en train de changer toutefois, car il devient plus évident que la capacité s’accroît à mesure que les systèmes de décentralisation arrivent à maturité. On accepte de plus en plus que “la gestion est un art de performance” qu’on apprend mieux par la pratique que dans les salles de cours. Rendinelli et al (1984) indiquent que la capacité locale en Indonésie, au Maroc, en Thaïlande et au Pakistan s’est accrue légèrement mais de façon perceptible au cours des années qui ont suivi la décentralisation. La dévolution en Nouvelle Guinée a augmenté la participation de la population dans le gouvernement et a amélioré la capacité de planification, de gestion et de coordination des administrations provinciales. Les recherches actuelles de Faguet sur la Bolivie mettent en évidence que les investissements des administrations locales dans le domaine de l’éducation sont plus rationnels et plus adaptés aux besoins locaux que ceux de l’administration centrale. De façon générale, une grande partie des données indiquent que la décentralisation a augmenté la participation locale et par conséquent l’accès des administrations locales aux ressources nationales et a encouragé le développement de la planification publique et privée et une meilleure gestion.

Décentraliser et renforcer la capacité locale simultanément

La décentralisation en soi peut être le meilleur moyen de renforcer la capacité locale. Le soutien du gouvernement central peut être important pour maintenir l’équité dans les dépenses en faveur des collectivités territoriales et pour assurer une formation appropriée. Par exemple, Tendler (1997) indique qu’une prestation efficace de services au niveau local dépend des partenariats interadministrations aussi bien que des partenariats entre secteur public et secteur privé/société civile. Néamoins, le renforcement de capacité ne devrait pas être des programmes de formation uniformes que le niveau central dispenserait à des collectivités diverses sans tenir compte des réalités individuelles de celles-ci. Et il n’est pas toujours évident que la capacité des niveaux centraux soient supérieure à celle des niveaux locaux. Par exemple, les recherches de Putnam démontrent que les Italiens estiment que leurs administrations locales sont plus efficaces que l’administration centrale.

Des programmes de renforcement de capacité adaptés aux préférences locales

L’un des moyens de renforcer la capacité locale par la formation est de permettre aux institutions locales d’employer une partie des fonds de programme ou leurs propres fonds pour se procurer l’expertise technique qu’elles pensent adaptée à leurs besoins. Ce type d’assistance technique est souvent disponible localement et peut être obtenue plus rapidement et à meulleur marché que l’assistance de source régionale ou centrale. De même on pourrait accorder à des communautés individuelles ou à un groupement de communautés une aide inconditionnelle pour assurer leur propre formation de renforcement de capacité. Ces collectivités peuvent payer la formation dont elles ont besoin pour combler les lacunes qu’elles ont identifiées dans leur capacité technique et leur capacité de gestion. Elles peuvent faire assurer leur formation par des institutions locales, régionales ou nationales. Quand on utilise des sources locales, un réseau d’expertise se développe et on peut avoir recours à de tels réseaux pour le fonctionnement des programmes existants ou des programmes futurs.

La participation locale peut être une forte incitation au changement. Des données récentes sur la Colombie et la Bolivie montrent que la surveillance des pouvoirs locaux par leurs administrés peut les inciter grandement à être plus performants. Des élections régulières et impartiales ainsi que les conseils des citoyens peuvent obliger les pouvoirs locaux à donner suite aux préférences des administrés. La clarté dans la répartition des compétences est essentielle. La démesure du programme de l’Agence pour le Développement des petites Exploitations de l’Inde et le manque de directives pour les fonds de district au Sri Lanka ont entraîné de piètres succès. Les efforts de décentralisation plus réussis en Indonésie et en Thaïlande quant à eux avaient des procédures plus claires pour l’affectation des dépenses et la répartition des compétences.

Conclusion

On peut résumer la pensée prédominante sur la décentralisation en citant la déclaration suivante du Groupe de Travail 5 (Capacité institutionnelle) lors de la Consultation Technique sur la Décentralisation et le Développement Rural (FAO, Rome, 1997) : “Au lieu d’investir des moyens importants dans le renforcement de la capacité locale, comme condition préalable à la dévolution des responsabilités, on s’était mis largement d’accord que la dévolution se ferait plus rapidement et plus économiquement si on décentralisait d’abord et ceci pour permettre l’apprentissage sur le tas; pour renforcer la capacité par la pratique.” Il est de plus en plus mis en évidence que la capacité locale se développe quand le processus de décentralisation est mis en oeuvre surtout quand on inclue dans la conception, des programmes appropriés concernant les interactions avec le secteur privé.