a responsabilisation, la transparence et la corruption

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Questions dans la Conception de Programmes

Collaborateur: La Banque Mondiale
L'auteur: Decentralization Thematic Team
Le contact: Jennie Litvack



La responsabilisation, la transparence et la corruption dans les administrations décentralisées

La responsabilisation

La décentralisation vue sous l'angle politique et telle qu'elle est conçue et pratiquée de plus en plus dans la communauté internationale de développement, a deux composantes: la participation et la responsabilisation. La participation concerne principalement l'augmentation du rôle des citoyens dans le choix des pouvoirs locaux et leur capacité d'influer sur la politique menée par ces derniers. En d'autres termes, il s'agit de la contribution des citoyens à l'administration des collectivités locales. La responsabilisation est l'autre aspect du processus: c'est le degré auquel les administrations locales doivent expliquer ou justifier ce qu'ils font ou ce qu'ils ont manqué de faire. Une meilleure information sur les besoins et les préférences des citoyens est l'un des avantages théoriques de la décentralisation mais, il n'y a aucune garantie que les pouvoirs locaux mènent une politique conforme aux besoins et aux préférences de leurs administrés s'ils ne se sentent pas responsables devant ceux-ci. Les élections sont l'instrument le plus puissant utilisé pour assurer la reponsabilisation mais d'autres mécanismes tels que les conseils de citoyens peuvent avoir une certaine influence.

La responsabilisation peut être conçue comme la preuve d'une participation réelle des citoyens à la conduite des affaires de leur collectivité puisque, le test pour juger de la réussite des efforts en faveur de la participation est, le degré auquel les administrés peuvent amener les pouvoirs locaux à rendre des comptes devant eux.

Les types de responsabilisation

Il y a deux aspects à la responsabilisation : la responsabilisation des fonctionnaires vis-à-vis des élus et la responsabilisation de ces derniers vis-à-vis des électeurs.

La responsabilisation des fonctionnaires vis-à-vis des élus locaux

Le premier type de responsabilisation peut être difficile à pratiquer pour des raisons diverses. Primo, les fonctionnaires, surtout les hauts fonctionnaires dans les domaines de la santé, de l'éducation et de l'agriculture (les secteurs mêmes qui sont les premiers à être décentralisés), sont souvent fortement incités à éviter le contrôle des élus locaux. Ces professionnels ont généralement une formation universitaire et un train de vie sophistiqué difficile à maintenir dans les villages et les petites villes. Ces cadres limitent leurs ambitions et généralement manquent d'écoles idéales pour l'éducation de leurs enfants. Aussi, ils peuvent craindre que la qualité des prestations de services baissent en les cédant aux collectivités locales. Finalement, il y a plus d'occasions pour les fonctionnaires de pratiquer la corruption quand ils sont supervisés de loin, quand il faut passer par l'hiérarchie des ministères pour contrôler leur travail, que s'ils sont obligés à répondre de leurs actes aux élus locaux tout près d'eux. Pour toutes ces raisons, ils sont généralement tentés de maintenir des liens avec leur ministère au niveau central et de résister les initiatives de décentralisation. Et leurs collègues aux ministères centraux, ce qui est compréhensible, s'intéressent aussi à entretenir ces liens, car ils ont le souci de maintenir les normes nationales au niveau des prestations de service, mais souvent aussi, pour les vénaux parmi eux, c'est des occasions pour des pots-de-vin (dans plusieurs combines il y a un partage des produits de la corruption avec les collègues aux niveaux supérieurs).

Etant donné toutes ces raisons (bonnes ou mauvaises) il est à peine surprenant qu'il y a souvent une résistance bureaucratique aux initiatives de décentralisation et que les concepteurs de programmes de décentralisation se voient obligés à maintenir des liens importants entre ceux qui sont sur le terrain et les responsables aux ministères centraux, surtout en ce qui concerne les affectations, les promotions et les traitements. Il va sans dire que ces liens réduisent la capacité des élus locaux à superviser les fonctionnaires qui sont censés travailler pour eux. Quelques systèmes d'administrations décentralisées, (par exemple, l'Etat de Kamataka en Inde) semblent avoir surmonté ces problèmes; ils ont réussi à établir le contrôle des administrés sur la bureaucratie, mais il a fallu plusieurs années pour obtenir ce résultat.

La responsabilisation des élus vis-à-vis des citoyens

Le deuxième type de responsabilisation est celui des élus vis-à-vis des citoyens. Les élections (quand elles sont démocratiques et impartiales) sont le moyen le plus évident pour engendrer la responsabilisation mais c'est un outil qui n'est pas trop raffiné et les administrés ne peuvent s'en servir qu'à de longs intervalles; il ne permet qu'un contrôle général des administrations. Les électeurs peuvent rejeter leurs leaders ce qui peut avoir un effet salutaire sur un système de gouvernement mais c'est là des appréciations générales et pas des réactions aux actes ou aux manquements spécifiques des élus. En plus, on a tendance à négliger plusieurs sujets pertinents quand le débat est centré sur une seule question (les écoles...). Les citoyens ont besoin d'instruments plus sophistiqués pour obliger les élus à leur rendre des comptes. Heureusement quelques uns sont disponibles :

Les partis politiques peuvent être un outil puissant pour assurer la responsabilisation des élus quand ils sont très actifs au niveau local comme ils le sont dans beaucoup de pays d'Amérique Latine. Ils sont fortement motivés à découvrir et à communiquer au public les méfaits du parti au pouvoir et de présenter continuellement un ensemble de politiques alternatifs aux électeurs.

Le capital social permet aux citoyens de communiquer leurs appréciations des initiatives des pouvoirs locaux et de faire pression sur eux d'être sensibles à leurs préférences. Ces démarches sont généralement entreprises par l'entremise des ONG (encore qu'on puisse considérer les manifestations spontanées comme un élément de la société civile) qui comme les partis politiques ont souvent des organisations-mères au niveau provincial et central.

Pour que les citoyens puissent responsabiliser leurs administrations, ils doivent avoir accès à l'information sur leurs activités. Au niveau des quartiers de telles informations peuvent se transmettre de bouche à oreille mais au-delà, l'utilisation des mass media s'impose. Dans certains pays la presse écrite peut assurer cette fonction d'information mais généralement leur couverture est réduite en dehors des zones urbaines. Des stations de radio à faible puissance (modulation d'amplitude) sont une possibilité pratique dans beaucoup de contextes. La couverture de ce type de stations est surtout locale. Leur exploitation est peu coûteuse et elles peuvent proposer des programmes d'information et de discussion sur les affaires locales.

Les réunions publiques peuvent être un mécanisme efficace qui encourage les citoyens à exprimer librement leurs préoccupations et qui obligent les pouvoirs publics d'en tenir compte. Les cabillos abiertos tenus dans plusieurs pays de l'Amérique Latine sont un bon exemple. Dans beaucoup de contextes ces réunions ne sont que des réunions d'information mais dans d'autres, elles peuvent réussir à obliger les pouvoirs publics à répondre de leurs actes. On a parfois inclus des procédures formelles de demande de justice ou de réparation de torts dans certains programmes de décentralisation comme un mécanisme de responsabilisation. La Bolivie avec ses Comités de Vigilance a probablement l'instrument le plus complet de ce point de vue. Ces comités sont basés sur les structures sociales traditionnelles et ont la responsabilité d'assurer le contrôle des conseils élus. On les encourage à porter plainte aux niveaux supérieurs si cela est justifié. Dans d'autres systèmes les citoyens non satisfaits de la performance de leurs élus peuvent recourir à des procédures formelles de destitution.

De façon générale, on estime que les sondages sont trop complexes, trop sophistiqués pour le niveau local, mais des techniques pratiques et plus abordables sont en train d'être développées aux Philippines, qui permettraient aux ONG locales de mesurer l'opinion publique sur les prestations de service.

Une enquête récente de l'USAID dans six pays pour déterminer le caractère démocratique de leurs administrations locales a révélé que chacun de ces pays employait une combinaison différente des mécanismes ci-haut et qu'aucun d'eux n'employait tous ces mécanismes. Aucun instrument, employé tout seul, ne s'est révélé efficace dans les six pays mais des combinaisons diverses se sont révélées très prometteuses. Quand certains de ces mécanismes sont faibles ou manquent dans un pays donné, on peut toujours avoir recours à d'autres. La société civile et les mass media par exemple, peuvent ensemble assurer efficacement la responsabilisation en l'absence des partis politiques dynamiques au niveau local.

La transparence et la corruption

Théoriquement, il y a une relation inverse entre la transparence et la corruption tel que plus de transparence il y a dans les administrations locales moins d'occasions il y a pour la corruption. En d'autres termes, la conduite malhonnête est détectée et punie plus facilement et est découragée par la suite. L'histoire des pays industrialisés indique que ceci est vrai à long terme mais l'expérience récente démontre que cette relation théorique n'est pas vraie du tout à court terme. Dans les pays issus de l'ex-Union Soviétique par exemple, les institutions gouvernementales sont soumises depuis le début des années 90 à plus de contrôle public mais en même temps il n'y a aucun doute que la corruption à tous les niveaux s'est accrue fortement. On espère que l'emploi à l'échelon local des mécanismes de responsabilisation mentionnés ci-haut, en plus d'une plus grande probité à l'échelon national mènera à une plus grande honnêteté globalement mais au mieux il faudra du temps. Le message pour la communauté internationale de développement est qu'elle doit continuer à mettre en place autant de ces mécanismes que possible.

Un autre rapport entre la transparence et la corruption a été noté par Manor. Il indique qu'en Inde, même si une plus grande transparence n'a pas été suivie d'une corruption accrue, elle a provoqué chez les gens l'impression d'un plus grand nombre de méfaits publics tout simplement parce que les citoyens avaient plus d'informations sur l'action gouvernementale. Ceci est sûrement le cas dans d'autres pays. A la longue, à mesure que les mécanismes de responsabilisation deviennent efficaces et que la corruption diminue, les citoyens se rendront compte du progrès réalisé.

Conclusion

Les initiatives en faveur de la démocratisation des administrations locales qui se poursuivent actuellement dans beaucoup de pays ont une forte possibilité d'aboutir à des systèmes de responsabilisation publique. Ces systèmes pourront assurer la responsabilisation des fonctionnaires devant les élus et la responsabilisation de ces derniers devant les citoyens qui les élisent. Et ce processus doit accroître la pression pour un système d'administration locale plus transparente dans lequel la corruption est plus facile à détecter et donc à éliminer. Mais comme il a fallu plusieurs années pour que ces efforts aboutissent dans les pays industrialisés, de même, il faudra du temps pour obtenir des résultats dans d'autres pays.